XII Международная независимая литературная Премия «Глаголица»

Эшназарова Зарина Адыльджановна
Страна: Россия
Город: Видное
Художественные переводы
Категория от 14 до 17 лет
Перевод отрывка произведения «Роза» Татьяны де Роснэй с французского языкаMon bien-aimé, Je peux les entendre remonter notre rue. Un grondement étrange, menaçant. Des chocs et des coups. Le sol qui frémit sous mes pieds. Et les cris, aussi. Des voix d’hom

Mon bien-aimé,

Je peux les entendre remonter notre rue. Un grondement étrange, menaçant. Des chocs et des coups. Le sol qui frémit sous mes pieds. Et les cris, aussi. Des voix d’hommes, fortes, excitées. Le hennissement des chevaux, le martèlement des sabots. La rumeur d’une bataille, comme en ce terrible mois de juillet si chaud où notre fille est née, cette heure sanglante où la ville s’est hérissée de barricades. L’odeur d’une bataille. Des nuages de poussière suffocants. Une fumée âcre. Terre et gravats.

Je vous écris ces mots assise dans la cuisine vide. Les meubles ont été emballés la semaine dernière et expédiés à Tours chez Violette. Ils ont laissé la table, trop encombrante, ainsi que la lourde cuisinière en émail. Ils étaient pressés, et je n’ai pu souffrir ce spec-tacle. J’en ai haï chaque minute. La maison dépouillée de tous ses biens en un si court instant. Votre maison, celle dont vous pensiez qu’elle serait épargnée. Ô, mon amour, n’ayez crainte, je ne partirai jamais.

Le matin, le soleil se faufile dans la cuisine, cela m’a toujours plu. Mais sans Mariette pour s’activer, le visage empourpré par la chaleur du poêle, sans Germaine pour grommeler tout en arrangeant les boucles échappées de son chignon serré, cette pièce est aujourd’hui bien lugubre. Avec un peu d’effort, je sentirais presque les bouffées du ragoût de Mariette tissant lentement leur appétissante résille dans la mai-son. Notre cuisine autrefois pleine de joie est triste et nue sans les casseroles et les marmites scintillantes, sans les herbes et les épices dans leurs petites bou-teilles de verre, les légumes frais du marché, le pain chaud sur sa planche à découper.

Je me souviens du jour où la lettre est arrivée, l’an dernier. C’était un vendredi matin. Près de la fenêtre du salon, je lisais Le Petit Journal en buvant mon thé. J’apprécie cette heure paisible avant que ne commence la journée. Ce n’était point notre postier habituel. Celui-là, je ne l’avais jamais vu. Un grand bonhomme osseux, une casquette verte et plate recouvrant ses cheveux de lin. Sa blouse de coton bleu au col rouge semblait bien trop large pour lui. Je le vis porter une main leste à son couvre-chef et tendre le courrier à Germaine. Puis il disparut, et je l’entendis siffler doucement en poursuivant son chemin dans la rue.

Après une gorgée de thé, je suis revenue à mon journal. Ces derniers mois, l’Exposition universelle était sur toutes les lèvres. Sept mille étrangers déferlaient chaque jour sur les boulevards. Un tourbillon d’hôtes prestigieux: Alexandre II de Russie, Bismarck, le vice-roi d’Égypte. Quel triomphe pour notre empereur.

Je discernai le pas de Germaine dans l’escalier. Le froufrou de sa robe. Il est rare que j’aie du courrier. D’ordinaire, une lettre de ma fille, quand il lui souvient de se montrer dévouée. Ou de mon gendre, pour la même raison. Parfois, une carte de mon frère Émile. Ou de la baronne de Vresse, depuis Biarritz, près de la mer, où elle passe ses étés. Sans compter les quittances et taxes occasionnelles.

Ce matin-là, je remarquai une longue enveloppe blanche. Je la retournai. Préfecture de Paris. Hôtel de Ville. Et mon nom, en grands caractères noirs. Je l’ouvris. Les mots se détachaient clairement, mais je ne pus les comprendre. Pourtant, mes lunettes étaient bien perchées sur le bout de mon nez. Mes mains tremblaient si fort que je dus poser la feuille sur mes genoux et prendre une profonde inspiration. Je repris la lettre et me forçai à la lire.

– Qu’y a-t-il, madame Rose? gémit Germaine. Elle avait dû voir mon expression.

Je rangeai la lettre dans son enveloppe, me levai et lissai ma robe de la paume de mes mains. Une jolie robe, bleu foncé, avec juste assez de volants pour une vieille dame comme moi. Vous auriez approuvé. Je me souviens aussi des chaussures que je portais, de simples chaussons, doux et féminins, et je me souviens du cri que poussa Germaine quand je lui expliquai ce que disait la lettre.

Ce ne fut que plus tard, bien plus tard, seule dans notre chambre, que je m’effondrai sur le lit. J’avais beau savoir que cela devait arriver un jour, ce n’en fut pas moins un choc. Alors que la maisonnée dormait, je trouvai une chandelle et dénichai la carte de la ville que vous aimiez à contempler. Je la dépliai sur la table de la salle à manger, prenant garde à ne pas verser de cire chaude. Oui, je la voyais, cette progression inexorable de la rue de Rennes jaillissant droit dans notre direction depuis la gare de chemin de fer de Montparnasse, et le boulevard Saint-Germain, ce monstre affamé, rampant vers l’ouest depuis le fleuve. De deux doigts tremblants, je suivis leur tracé jusqu’à ce qu’ils se rencontrent. Exactement dans notre rue. Oui, notre rue.

Il règne un froid glacial dans la cuisine, je dois descendre me chercher un châle. Et des gants aussi, mais seulement pour ma main gauche, car de ma droite je veux continuer à vous écrire.

«Jamais ils ne toucheront l’église, ni les maisons autour d’elle », vous étiez-vous gaussé il y a quinze ans, à la nomination du préfet. Lorsque nous avions appris ce qu’il allait advenir de la maison de mon frère Émile, à la création du boulevard de Sébastopol, vous n’aviez toujours pas eu peur: « Nous sommes près de l’église, cela nous protégera.»

Souvent, je vais m’asseoir dans l’église, calme et paisible, pour penser à vous. Il y a dix ans maintenant que vous êtes parti, ce fut comme un siècle pour moi. Je contemple les piliers et les fresques fraîchement restaurés. Je prie. Le père Levasque me rejoint et nous chuchotons dans la pénombre.

– Il faudra plus qu’un préfet ou un empereur pour menacer notre quartier, madame Rose! Childebert, roi mérovingien et fondateur de notre église, veille sur sa création comme une mère sur son enfant.

Le père Levasque aime me rappeler combien de fois l’église a été pillée, saccagée, brûlée et rasée depuis les Normands au IXe siècle. À trois reprises, je pense. Comme vous vous trompiez, mon amour.

L’église sera épargnée, mais pas notre maison. La maison que vous aimiez.

 

Любимый,

Я слышу, как идут по улице. И вот странный и пугающий грохот. Толчки и удары. Земля, дрожащая под ногами. И крики. Громкие, взволнованные голоса людей. Ржание лошадей, стук копыт. Шум от войны, как в тот ужасный жаркий июль, в тот кровавый час, когда город восстал- тогда наша девочка появилась на свет. Запах войны. Облака все в пыли. Едкий дым. Земля в обломках.

Описываю вам происходящее, находясь в пустой кухне. Мебель упаковали еще на прошлой неделе и отправили Виолетте в Тур. Решили отправить громоздкий стол и тяжелую плиту по почте. Их настолько сильно сжали, что я не смогла смотреть на это. Я возненавидела каждую минуту. За такое короткое время дом освободился от всего имущества. Вы думаете, что ваш дом не будет тронут. О, моя любовь, не бойся, я никогда не покину тебя.

Мне всегда нравилось, как утром солнце пробивается на кухню. Но без Мариетт, ее суеты и покрасневшего лица от тепла печи, Жермен, которая ворчит, пытаясь поправить локоны, выходящие из тугого хвоста, сегодня эта комната неуютна. Если захотеть, то можно почувствовать пряность рагу от Мариетт, которая медленно плетет аппетитную паутину в доме. Наша кухня раньше была полна радости, а сейчас ей приходится грустить без кастрюль и сверкающих котелков, без трав и специй в маленьких стеклянных стаканах, свежих с рынка овощей, теплого хлеба, лежащего на разделочной доске.

Я вспоминаю о том, как в прошлом году мне пришло письмо. Это было в пятницу утром. Я сидела около окна, попивая чай и читая «Ле Пети Журналь». Я ценю этот безмятежный час перед тем как начнется день. Это не наш почтальон. Наоборот, я его никогда не видела. Здоровый костлявый парень, с зеленой кепкой и платком, закрывающим его льняные волосы. Блуза с красным воротником из голубого хлопка была ему великовата. Я видела, как он ловко снял головной убор и отдал посылку Жермен. Затем он исчез, и я слышала, как он шел своей дорогой, нежно посвистывая.

После глотка чая я вернулась к своей газете. За последние месяцы Всемирная выставка была у всех на устах. Семь тысяч странников каждый день скитались по бульварам. Ряд престижных отелей: Александр II, Бисмарк, вице-король Египта. Какое торжество для нашего императора.

Мне послышались шаги Жермен на лестнице. Шелест ее платья. Я редко получала посылки. Обычно это было письмо от дочери, напоминавшее о ее преданности. Или от зятя. Иногда это открытка от моего брата Эмиля. Или от баронессы Вресс, тогда Биариц, писавшей с моря, где она проводила лето. И это не включая счета и налоги.

В то утро я заметила длинный белый конверт. Я его раскрыла. Префектура Парижа. Городской отель. И мое имя большими черными буквами. Я его открыла. Слова были четко видны, но я не могла их понять. И это при условии, что мои очки были на кончике носа. Мои руки настолько сильно дрожали, что мне пришлось положить листок на колени и сделать глубокий вдох. Я снова взяла письмо и заставила себя прочесть его.

-Что случилось, мадам Роза? – застонала Жермен.

Она, должно быть, видела мое выражение лица.

Я положила письмо в конверт, встала и разгладила платье ладонью. Красивое темно-голубое платье, с достаточным количеством рюш- как раз то, что нужно для женщин моего возраста. Вам бы понравилось. Я также вспоминаю туфли, которые носила, мягкие и простые тапочки, и вспоминаю крик, который издала Жермен, когда рассказала ей содержание письма.

Было довольно поздно, я была одна в комнате и поэтому рухнула в кровать. Я знала, что должен был когда-нибудь наступить этот день, и поэтому я не особо была удивлена. В то время как дом спал, я нашла свечу и откопала карту города, которой вам нравится любоваться. Я ее развернула на обеденном столе, стараясь не пролить на нее горячий воск. Я стала свидетелем неизбежного увеличения людей от улицы Ренн, находящейся прямо около нас, до железной дороги Монпарнас, и от бульвара Сан-Жерман, этого голодного монстра, который тянется на запад, до реки. Дрожащими пальцами я следовала по этому маршруту до тех пор, пока они не встретились. Точно на нашей улице. Да, это наша улица.

Царит ледяной холод на кухне, мне следует спуститься и поискать шаль. И перчатки, но только на левую руку, так как правой собираюсь продолжить писать.

«Они никогда не тронут ни церковь, ни дома вокруг нее», смеялись вы пятнадцать лет назад, когда выбирали старосту. Когда мы узнали, что должно было произойти с домом моего брата Эмиля во время строительства бульвара Севастополя, вы никогда не боялись этого: «Мы около церкви, она нас защитит».

Я часто прихожу посидеть в церкви, спокойной и умиротворенной, чтобы подумать о вас. Прошло уже десять лет с момента вашего отъезда, а как будто целая вечность. Я рассматриваю недавно отреставрированные столбы и фрески. Я молюсь. Отец Леваск веселит меня, и мы шепчем в полумраке.

— Нужен человек, величественнее префекта и императора, чтобы навредить нашему району, мадам Роз! Хильдеберт, меровингийский король и основатель нашей церкви, настоявший на ее создании, как мать, жаждущая ребенка.

Отец Леваск любит мне напоминать о том, сколько раз церковь грабили, громили, поджигали и сносили во время правления Норманнов в IX веке. Я думаю, раза три. Как вы ошибались, моя любовь.

Церковь останется в сохранности, но не наш дом. Дом, который вы любили.